Escapade à Jurançon, au Château Lafitte

Les vins de Jurançon seraient rentrés dans l’histoire royale lors du baptême d’Henri IV, auquel on aurait humecté les lèvres de quelques gouttes de ce vin ! Mais ce n’est pas pour cette raison que c’est un des premiers vignobles que j’ai eu envie d’aller découvrir. C’est parce qu’ils font partie des premiers vins que j’ai pris plaisir à déguster en famille !

Les vins du Jurançon

En général, les blancs secs ont des reflets verts. Ces vins blancs secs ont des arômes de miel, de fruits exotiques, d’épices,…Ils sont frais et avec un peu de tension.

Les blancs moelleux, quant à eux, ont une belle couleur jaune or, voire ambrée après quelques années. Ils ont des notes communes aux vins secs (fruits exotiques, épices, miel) avec également des arômes de pêche, de fleurs blanches, de fruits confits.

Plutôt que d’associer le jurançon moelleux au foie-gras, je vous conseille de l’associer avec des fromages à pâte persillée. Osez même l’accord avec un plat épicé (thaï par exemple) si le vin moelleux ne contient pas trop de sucre résiduel. Pour le foie gras, testez l’accord avec un Jurançon sec.

Les Gros Manseng et Petit Manseng (en photo à droite) sont les 2 principaux cépages. Courbu, Camaralet et Lauzet sont les cépages complémentaires.

Le Gros Manseng apporte du volume et un meilleur rendement. Il représente environ 70% des cultures. Quand au Petit Manseng, il est plus dans la finesse, plus riche en sucre et plus difficile à vinifier. Il représente 20% des cultures. Vous l’aurez compris, une belle complémentarité.

Leur peau épaisse résiste très bien à la pourriture grise (la mauvaise!) et permet un passerillage sur souche.

Vous lirez parfois que le Gros Manseng est réservé au vin sec et le Petit Manseng au vin doux, mais c’est loin d’être toujours le cas ! Un beau contre exemple au Château Lafitte.

Tous les deux ont la particularité de conserver une acidité importante, même en sur-maturité. Cela permet de donner un très bel équilibre entre vivacité et sucrosité.

La minute histoire : autrefois, le Gros Manseng était assemblé au Courbu et donnait des vins doux bus jeunes dans toutes les auberges du pays ; le Petit Manseng était lui réservé aux cuvées à mettre en bouteille.

jurancon cepage petit manseng

Ma première visite du vignoble de Jurancon

C’était il y a 7 ans, en famille. Mon grand-frère habitait près de Pau et s’approvisionnait très régulièrement au domaine Cauhapé, d’Henri Ramonteu. Nous avions donc visité ce domaine, le plus gros de l’appellation, situé à Monein (Nord Ouest de Pau). Henri Ramonteu est un vigneron entier et exigeant, qui a grandement participé à la reconnaissance de l’appellation Jurançon. La visite étant lointaine et n’ayant pas goûté ses vins récemment, je ne vais pas en dire davantage sur ce « grand » domaine. J’entends par là grand pour l’appellation, car dans le Jurançon il n’y a pas de grands châteaux ; ce sont des vignobles à taille humaine, et ça me plait !

Je vais donc vous parler du château Lafitte, un petit domaine familial en biodynamie, situé à quelques kilomètres du domaine Cauhapé.

L’histoire du Château Lafitte

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Ma visite date de 2016, mais je m’en rappelle encore très bien ! A l’époque, Antoine Arraou était à la tête du domaine depuis 4 petites années. Avant cela ses parents, Philippe et Brigitte, actuels propriétaires du château (photo de Romain Forquy), géraient le domaine. C’est eux qui ont relancé la production viticole au château il y a une trentaine d’années, après une grosse coupure.

A l’époque où je suis venue avec mon mari, Antoine attendait la venue de Demeter pour se faire certifier. Nous passons du temps dans les vignes à échanger sur les sols, sur la biodiversité, et sur sa volonté d’aller bien plus loin que ce qu’exige la certification biologique. Si vous voulez en savoir plus sur les labels, je vous invite à lire cet article.

Le vignoble fait 5 ha, avec une moitié de Petit Manseng et une moitié de Gros Manseng. Le domaine est totalement indépendant (Antoine y tient!), il n’y a aucun achat de raisins, ni de revente. En plus de la vigne, il y a un nombre important d’arbres fruitiers, de plantes, de légumineuses, de céréales, etc. Bref vous l’aurez compris, Antoine est un fervent défenseur de la « polyculture d’autrefois« . Et puisque rien ne se perd, tout se transforme, ils revendent les fèves ou utilisent leur blé pour en faire de la farine pour leur pain dont le levain est issu de leurs propres levures ! Mon rêve !

Antoine favorise également le retour des animaux dans la vigne : vaches, moutons, chèvres, poules, etc. Parmi les vignerons que je « côtoie », ils sont de plus en plus à faire cela. Au-delà du plaisir d’être bien entourés, chaque animal apporte sa pierre à l’édifice. Par exemple, les poules vont aider pour le désherbage et la « désinsectisation » dans le sens où elles se nourrissent d’insectes, de vers, susceptibles de détériorer les vignes. Il a même essayé de cultiver leurs vignes à l’aide d’un cheval mais la dureté des sols et les pentes ont rendu cela trop compliqué. J’espère que tout cela vous passionne autant que moi !

Place à la dégustation des vins du Château Lafitte

Nous dégustons ses 2 cuvées « classiques » qui ont l’appellation Jurançon. Un sec et un doux. Puis sa cuvée réserve. A la hauteur de la qualité du soin apporté aux vignes !

Le sec est un assemblage de 80% de Petit Manseng et de 20% de Gros Manseng. La fermentation se fait spontanément (donc aucune levure rajoutée, comme dans tous ses vins) en barrique. Une quantité infime de soufre est rajoutée à la mise en bouteille, puisqu’il y a au final la même quantité de soufre que dans les vins natures (environ 15 mg/l).

On déguste le 2014.

👃 Des notes grillées et de pain frais, en lien avec l’élevage de plusieurs mois sur lies en fût de chêne neuf. 

👄 De la fraîcheur mais juste ce qu’il faut, et beaucoup de rondeur. J’aime beaucoup.

🍽️ J’ai bu ma dernière bouteille l’an dernier avec du foie gras. C’était délicieux, j’en ai même fait un article !

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Le moelleux est lui constitué à parts égales de Gros Manseng et Petit Manseng. Comme tous les vins sucrés, il contient plus de soufre. Pourquoi cela ? Principalement pour assurer une stabilité microbiologique du vin et pour que le sucre résiduel présent dans le vin ne soit pas consommé par les levures (rappelez vous, les levures sont de vraies morfales).

La dégustation datant et les bouteilles ayant été bues il y a un moment, je n’ai plus beaucoup de souvenirs. De même pour le vin de réserve.

Mais j’en ai racheté récemment, pour me le remettre en mémoire :).  

On termine la visite par une présentation de sa cuvée Argile, fermentée et élevée dans une « amphore » en terre cuite ! Celle-ci ne peut pas avoir l’appellation Jurançon, mais ça n’a pas l’air de perturber Antoine et il a bien raison ! Si aujourd’hui le retour du vieillissement en amphores est un phénomène qui commence à faire parler, il y a 5 ans c’était beaucoup moins le cas.

La minute blonde 👱‍♀️ : sachez que le terme amphore est un abus de langage ; il faut plutôt parler de jarre.

Antoine va chercher ses jarres en Toscane. Pourquoi là-bas ? Car il y a un vrai savoir-faire, ancestral, et pour la qualité de la terre, très peu poreuse pour limiter l’oxydation. Un peu d’oxydation pendant le vieillissement c’est bien, mais pas trop non plus pour ne pas abîmer le vin.

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Château Lafitte, un domaine en perpétuelle évolution

Depuis, le domaine a beaucoup évolué, Antoine a eu la gentillesse de me parler de tous ces changements au cours d’un long échange téléphonique. Plusieurs millésimes marquants.

2016, j’en ai parlé, la certification biodynamique.

2017, l’arrivée de 2 « petits nouveaux » : un vin orange et un vin pétillant naturel. Le vin orange est fait avec la même parcelle qu’Argile mais la différence est qu’une macération a lieu pendant 3 semaines. J’ai très envie de tester ces 2 nouveautés, malheureusement (pour nous!) elles sont victimes de leur succès. Ces cuvées supplémentaires montrent bien la volonté d’Antoine d’aller vers des vins de plus en plus naturels.

2018 marque la construction d’un nouveau chai, éco-responsable. Au-delà de ses atouts environnementaux indéniables, ce chai permet une hygiène irréprochable. Vous le savez sans doute, pour faire des vins naturels sans défaut, les conditions hygiéniques sont très très importantes.

La petite dernière arrivée au domaine est la cuve ovoïde, une cuve en béton en forme d’œuf. Tout comme la jarre en terre cuite, elle est basée sur des principes très anciens. Antoine l’utilise pour la première fois en 2020, c’est donc une cuvée en devenir !

 

C’est sûr, l’année prochaine on retourne dans les Pyrénées (c’est mon mari qui va être content!) et on passe par le château Lafitte pour voir ce nouveau chai et déguster les nouvelles cuvées.

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