Escapade en Ventoux, au domaine Saint-Jean-du-Barroux

L’AOC Ventoux est une des appellations les plus étendues du Rhône, à l’est d’Avignon, entre Vacqueyras et les Côtes du Lubéron. Elle est aussi la plus productive. Anciennement appelée Côtes du Ventoux, cette AOC tient son nom du Mont-Ventoux qui culmine à 1912 mètres d’altitude.

Le domaine de Philippe Gimel, Saint-Jean-du-Barroux, est pour moi LA référence dans le Ventoux, avec une approche qualitative et raffinée.

Création de l'appellation Ventoux

De vins rouges

Hectares de vignes

hl/ha (rendement moyen annuel)

Caves coopératives

Domaines viticoles

AOC Ventoux, carte du territoire de l’appellation

Histoire du domaine Saint-Jean-du-Barroux

Avant d’être vigneron, le Lorrain Philippe Gimel était pharmacien. Après avoir exercé quelques années, il décide de privilégier sa passion pour le vin et est choisi pour rentrer au Diplôme National d’Oenologue ! Visiblement il n’en avait pas eu assez avec ses 6 années d’étude de pharmacie ;).

Après des débuts dans la Loire, puis à Fronton, il passe 18 mois au Château de Beaucastel puis 9 mois au domaine de La Janasse. Ces noms vous parlent très certainement. 2 expériences très enrichissantes pour lui.

La région lui plait, mais l’hectare de vigne est bien trop cher ! Il se tourne donc vers une appellation beaucoup moins cotée et donc moins coûteuse : le Ventoux. C’est ici où l’hectare de vigne est le moins cher de la région !

Vous allez me dire, mais pourquoi ? La raison du prix bas est le fait que 75% est produit par les coopératives et que le prix de location ou d’achat des terres dépend du prix du vin. Ce n’est en aucun cas lié à la qualité des sols. C’est la raison pour laquelle cette AOC, comme d’autres dans le Languedoc, a explosé, à la fois en nombre de caves particulières, en qualité et en image. C’est dans ces appellations peu connues que les vins ont le plus changé en 20 ans.

En 2003, il a l’opportunité de racheter à la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, gérée par l’Etat) un coteau sur la pente Nord du Mont Ventoux ; 15 ha d’un seul tenant dont 10 ha de vignes et 5 ha d’arbres. Des vignes d’une trentaine d’années à l’époque, puisque l’appellation Ventoux a été créée en 1973.

La confidence de la Blonde 👱‍♀️ : pour la petite histoire, Philippe a dû constituer en un temps record (1 mois !) un énorme dossier pour expliquer l’intégralité de son projet : quels types de vins, à quels prix, etc. 21 dossiers concurrents en lice ! Mais Philippe est choisi, le début d’une belle mais tumultueuse histoire.

De 2003 à 2006, il a fait son vin dans un « garage » de 40 m², à quelques pas du joli château du Barroux. En bio, on dit souvent qu’il faut 1 personne pour 4 ha. Philippe est seul à ce moment-là…Pour plus de 10 ha ! “Autant dire que les nuits sont courtes…”, me confie Philippe. N’ayant pas assez de place dans son garage, il vend 1/3 de sa récolte à la maison de négoce du château Beaucastel.

En 2006, il double sa surface en cave. Et passe même à 200 m² en 2007. Il peut alors garder tous ses raisins et c’est le début des vins produits actuellement :).

En 2014, il demande un permis de construire pour agrandir. Veto de plusieurs voisins… S’en suivent plusieurs années de recours et d’attente…interminable. Entretemps, Philippe doit quitter les lieux où il loue. Il trouve un nouveau bâtiment, toujours en location, dans une zone artisanale de Malaucène (ville réputée pour démarrer l’ascension du Mont Ventoux à vélo !). Là encore c’est épique, entre la construction du bâtiment qui devait être finalisée avant les vendanges et qui le sera qu’en novembre, le propriétaire qui décide quelques mois après de tout quitter et de vendre ce bâtiment (sachant que Philippe est sur le point d’avoir la validation pour l’autre bâtiment au Barroux….).

Bref la vie d’un vigneron n’est pas un long fleuve tranquille ! Cela sans parler des aléas climatiques !

Philippe compte aujourd’hui une vingtaine d’ha de vignes (divisée en 99 parcelles sur 3 terroirs différents) et une quinzaine d’ha d’arbres.

Philippe travaille toute l’année avec 2 permanents, et ponctuellement avec des saisonniers (équivalent 5.2 plein temps à l’année…ça commence à faire !).

Le vignoble de Saint-Jean-du-Barroux

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Les vignes ont toutes quasiment 48 ans, plantées à la création de l’AOC Ventoux.

Elles sont entretenues à la fois par le labour (de surface ou pas, Philippe n’a pas de règle, cela dépend des parcelles) et l’enherbement naturel maîtrisé.

L’ajout d’engrais organiques est rare. En 18 ans, il a mis seulement deux fois du compost (sur ⅓ du domaine) et une fois de l’engrais organique bio sur une petite partie du domaine.

Une vinification « douce » et peu interventionniste

Au-delà des remontages peu fréquents, ce qui m’a surpris est la courte durée d’extraction (= maintien en contact permanent de la partie solide, le chapeau, et de la partie liquide).

Alors qu’il n’est pas rare d’avoir des extractions de 15-20 jours, Philippe est sur des extractions de 4 à 7 jours pour sa première cuvée, La Source, et de 7-10 jours max pour les autres cuvées.

Pourquoi ? La raison est assez simple : les vins sont déjà suffisamment concentrés naturellement. Ils le sont du fait de la concentration naturelle des baies (en tanins, en anthocyanes et en sucres) et non de l’extraction faite en cave (comme c’est souvent le cas) qui est plus que minime. “Le but est même avec la Pierre Noire [cuvée “haut de gamme”, la plus concentrée] de ne pas être sur-extrait ; il n’y a donc pas vraiment d’extraction, c’est plus de l’infusion comme disent certains”, précise Philippe.

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Pour les vinifications, le seul intrant est le soufre. Philippe en ajoute quand le raisin arrive en cuverie. Pourquoi ? Pour retarder la fermentation malolactique et ainsi éviter que ça tourne au vinaigre !

Puis une ou deux fois pendant l’élevage et avant la mise en bouteille. Mais les doses finales en bouteille sont inférieures à ce qui est autorisé en bio, déjà bien inférieures aux vins conventionnels.

Place à la dégustation des vins du domaine Saint-Jean-du-Barroux

On s’échauffe les papilles avec du blanc

Les vins blancs sont minoritaires au sein de l’appellation (6%). C’est aussi le cas au domaine, puisque Philippe ne fait une seule cuvée en blanc : La Montagne.

Celle-ci est composée d’un tiers de Grenache blanc et deux tiers de Clairette et Bourboulenc. Le Grenache (élevé en sucre et donc en alcool) apporte de la richesse, quand la Clairette et le Bourboulenc (très bas en alcool) apportent de l’acidité et de la fraîcheur. La plupart des cépages blancs sont exposés côté Nord pour garder leur acidité. Pour illustration : pour des vendanges fin Octobre, Philippe arrive à obtenir un vin à 12° d’alcool et un pH très bas !

Le vin est élevé en cuve inox pendant 5-6 mois.

Je suis chanceuse, je déguste le millésime 2020 puis un millésime plus vieux, le 2013. Le 2020 a été mis en bouteille peu de temps avant ma visite.

Le nez est superbe (notes mentholées). Beaucoup de fraîcheur et une finale amère (un peu trop à mon goût).

Je préfère le millésime 2013. Son nez est très intense, rehaussé par des notes de miel et une pointe de pamplemousse en finale. En bouche, on retrouve ces arômes ainsi que des notes oxydatives, agréables.

Pas de coup de cœur, mais c’est bien fait.

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Place aux vins rouges avec 4 cuvées différentes

La Source, L’Argile, La Pierre Noire et Syrah Le Barroux.

Avant de vous partager mes notes de dégustation, il me paraît intéressant de vous partager comment Philippe a construit la gamme !

Quelques mots sur la construction de la gamme

Source, Argile et Pierre Noire sont des vins d’assemblages (de droite à gauche sur la photo) ; assemblages de cépages et de leurs différents terroirs.

La Source est la cuvée la moins concentrée quand La Pierre Noire est la plus concentrée.

Les différences de concentration viennent de la taille des grappes et de la présence des rafles, et non de la vinification qui est elle quasi identique entre les 3 cuvées (hormis l’extraction vue plus haut).

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La confidence de la Blonde 👱‍♀️ : pour les curieux qui veulent en savoir plus sur l’origine de la taille des grappes !

Les sols et l’impact de l’environnement (végétation & source d’eau) expliquent ces différences de taille. Sur une terrasse, il y a 4 rangs de vignes, avec 4 sols différents ! Le rang au bord est directement sur le caillou. Les vignes poussent peu donc les grappes sont peu nombreuses et petites (donc très concentrées). De même, au sein des rangs situés à proximité d’arbres, il y a une grosse concurrence donc de plus petits rendements. Enfin, la présence de la source Saint-Jean à proximité de certains pieds permet d’avoir de plus grosses grappes (et donc moins de concentration dans les baies).

Les cuvées Syrah (en photo à droite) et la petite dernière de Grenache sont elles des cuvées provenant d’un seul lieu-dit, d’un seule époque géologique ou d’un seul type de sol (par exemple les Syrah de 2017 à 2019 sont soit faites sur sable, soit sur argile) avec donc un seul cépage.

Maintenant que vous savez tout, place à mes notes de dégustation 🍷 !

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Ma sélection coup de coeur

Logiquement, je commence la dégustation avec La Source 2019. Il s’agit d’un assemblage de Grenache, Carignan et Cinsault. Afin d’avoir un vin peu tannique, facile à boire, il n’y a ni Syrah, ni rafles. Dans cette cuvée sont mises les plus grosses grappes : plus de rendement, moins de tanins et plus de jus. L’élevage dure environ 18 mois, pour affiner les tanins.

C’est la cuvée que j’avais découverte il y a 10 ans chez un caviste à Rouen et qui m’avait donné envie de visiter le domaine lors d’un week-end entre amies à Montélimar. Pour la petite histoire, la rencontre m’avait marqué, nous étions restées 3h sur place, et Philippe nous avait notamment appris à recracher !

Je m’égare, revenons-en à la dégustation..

👃 Nez intense, sur les fruits rouges et noirs.

👄 Superbe matière. Un vin rond et gourmand, au fruit éclatant et juteux.

❤️ Rondeur et gourmandise.

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On poursuit avec la cuvée Argile. Par rapport à la Source, il y a de la Syrah en plus, les grappes sélectionnées sont de taille moyenne et environ ⅓ des rafles sont ajoutées. L’élevage dure un peu plus longtemps, 2 ans environ.

Je goûte les millésimes 2017 et 2018. Je vous présente ici le 2018.

👃 Explosion de fruits rouges et noirs. Notes épicées (poivre gris notamment) apportées par la syrah.

👄 Très belle concentration et un superbe équilibre.

❤️ Mon coup de coeur rapport prix / plaisir.

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Mon 3ème et dernier coup de cœur : la cuvée Pierre Noire (millésime 2017 ici). Elle est composée de 80% de petites grappes de Grenache et le reste de Syrah. Quasiment 100% des rafles sont ajoutées. La durée d’élevage est d’environ 2ans 1/2.

👃 Nez superbe : mûres, épices.

👄 Matière énorme ! Ce vin est velouté et gourmand. Le Grenache apporte des arômes de chocolat. Il rape encore très légèrement mais on peut voir l’énorme potentiel de garde (au moins 20 ans!). Vous l’avez compris, ce sera un pur délice dans quelques années ! Pour les plus impatients, rassurez-vous, vous pouvez déjà vous faire plaisir en l’ouvrant aujourd’hui.

❤️ Un grand vin du Ventoux.

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Si la cuvée La Source est très gourmande et facile à boire, les autres cuvées sont plus intéressantes et surtout plus identitaires de la philosophie du domaine.

« Les cuvées terroirs seront encore plus à l’avenir ce que je souhaite faire », me confie Philippe.

J’espère que ces lignes vous donneront envie de découvrir cette belle appellation ! Et pourquoi pas d’aller à la rencontre de Philippe et de profiter de votre séjour pou tenter de faire l’ascension du Mont-Ventoux à vélo ;).