Le vignoble de Bourgogne donne naissance à des vins prestigieux. Si les plus célèbres sont les Premiers et Grands Crus, il existe de très belles appellations Régionales ou Villages qui vous régaleront sans vous ruiner.
Direction ici à Saint-Romain, situé sur la limite Ouest du vignoble de la Côte de Beaune. Ce petit village de 230 habitants se compose de Saint-Romain-le-Haut où se situent l’église du XVe siècle et les ruines du château, et Saint-Romain-le-Bas où il y a la mairie, l’école et où se déroule l’essentiel de l’activité du village. De Saint-Romain-le-Haut vous avez d’ailleurs accès à un magnifique point de vue : le village de Saint-Romain-le-Bas et le cirque de falaises de Baubigny.
Pour rappel, la Côte de Beaune est le berceau des vins blancs les plus réputés de Bourgogne, certains (un peu chauvins sûrement ;), diront que ce sont les meilleurs blancs du monde. C’est aussi une terre de vins rouges puisqu’ils représentent 60% de la production.
Pour en revenir à Saint-Romain, il s’agit d’une Appellation Village. Instituée en 1947, cette Appellation d’Origine Contrôlée est rouge (Pinot Noir) et blanche (Chardonnay). Tout comme Viré-Clessé, Saint-Romain comporte des Climats (lieu-dit lié à un terroir ; cahier des charges spécifiques) mais pas de Premier Cru, ni de Grand Cru. Le Climat figure souvent sur l’étiquette. J’apprécie beaucoup les vins de cette appellation, surtout ses très beaux blancs. J’ai plusieurs domaines en tête qui en font d’excellents. Je vais vous parler ici de Lucien et Fanny Rocault, qui produisent de très bons Saint-Romain mais pas que !
Histoire du domaine Rocault : une histoire familiale
La famille Rocault est installée à Orches, à 2km de Saint Romain, au-dessus des falaises. L’environnement est juste magnifique (par beau temps on peut même aperçevoir le mont Blanc) ! Lucien représente la 18ème génération de vignerons ! Ses parents sont viticulteurs (donc pas vinificateurs).
Lucien va apporter un nouveau souffle. En 2005, il sort d’un BTS Viticulture-oenologie (viti-oeno dans le jargon vigneron) à Beaune et part une année en Nouvelle Zélande. A son retour, il fait une vendange avec ses parents et la coopérative, puis part vinifier dans différents domaines de la région. En 2007, il est salarié chez ses parents. Au bout d’un an, son père lui propose: soit de s’associer, soit de voler de ses propres ailes. Lucien choisit l’option 2 : il souhaite aller “au bout du geste” en faisant ses propres vinifications. Dans le même temps, il fait le choix de passer en agriculture biologique, surtout pour le côté santé perso. Il s’installe fin 2008, dans le magnifique village de Saint-Romain, avec Fanny son épouse, originaire elle de Nuits-Saint-Georges.
Depuis son escapade chez les all-blacks, Lucien a toujours travaillé en commun avec ses parents. Même si ces derniers ne sont pas certifiés en agriculture biologique, ils se concentrent depuis un moment sur le travail du sol et les produits qu’ils utilisent.
Le vignoble du domaine de Lucien et Fanny Rocault
Le domaine est principalement situé sur l’aire d’appellation Hautes Côtes de Beaune. Ils ont aussi quelques parcelles à Saint-Romain, Saint-Aubin et Pommard. Si le choix d’une agriculture bio était initialement pour leur santé, ils se sont vite rendus compte qu’il était favorable pour l’environnement et pour l’expression du terroir.
Lucien et Fanny ont débuté avec moins d’un hectare de vigne et 70 ha de « grandes cultures » (blé, colza, orge). 10 ans après, le domaine s’est bien agrandi avec 8 ha de vignes supplémentaires, et 140 ha de « grandes cultures » (en ajoutant du soja, des légumineuses, etc) dont seulement 35 ha de céréales. Le reste étant constitué de légumineuses dont la luzerne. Ils échangent la luzerne contre du fumier à des éleveurs du coin (à moins de 10km) pour en faire du compost. Compost qui va ensuite dans les vignes et les champs. La boucle est bouclée.
Le vignoble des Hautes-Côtes est conduit en vignes hautes, pour une gestion de la flore plus aisée, et larges, pour une meilleure aération afin de limiter le risque de maladies (et on sait qu’en Bourgogne le risque est important avec la météo capricieuse, d’autant plus en viticulture biologique).
Les vignes de Saint-Romain et de Saint-Aubin sont basses et étroites, comme l’exige le cahier des charges de l’appellation. Elles sont intégralement travaillées avec un chenillard (outil agricole utilisé dans les espaces pentus et étroits) léger de manière à respecter au mieux la vie des sols.
Lucien réalise fréquemment des « repiquages » : il plante de nouveaux pieds de vigne, comme ici en photo, en mars 2021, dans leur vignoble de Saint-Romain « Sous-Roche ». Ceci pour assurer la pérennité de leurs parcelles ; maladies, sécheresse, gel menant la vie dure au vignoble…2500 pieds ont été replantés sur l’ensemble du domaine cette année !
Une vinification et un élevage les plus naturels possibles
La plupart des cuvées sont élevées dans de gros tonneaux en chêne de 500L. Ce format marque moins le vin que le fût (de 228 L) et permet ainsi de laisser les terroirs et les cépages s’exprimer pleinement. Mais selon le millésime et la récolte, Lucien utilise parfois des fûts.
Comme expliqué dans l’introduction sur le vignoble de la Bourgogne, l’effet millésime est important, une même cuvée peut ainsi avoir des différences marquées d’une année à l’autre. “Chaque millésime est une nouvelle aventure, où l’objectif de la vinification et de l’élevage est de faire ressortir le meilleur de l’année passée au vignoble.”, précise Lucien.
Les vins blancs sont mis en tonneau dès le début de la fermentation alcoolique, pour une durée de 12 à 18 mois suivant les années et l’appellation (à part pour le Bourgogne aligoté).
Les vins rouges font quant à eux leur macération et fermentation en cuve, pendant environ 3 semaines. “Durant cette période les interventions se limitent à quelques remontages, et pigeages, afin d’être le plus délicat et le plus naturel possible.”, ajoute Lucien. Les vins vont ensuite être élevés en tonneaux pour gagner en complexité.
Pour les vinifications, le seul intrant est le soufre. Ils en rajoutent un peu quand le raisin arrive en cuverie, et au moment de la mise en bouteille. Mais les doses finales en bouteille sont faibles, de l’ordre de 60 mg/l de soufre total pour les vins blancs (à part pour le Bourgogne Aligoté qui répond aux exigences de la charte nature avec moins de 35 mg/l sulfites), et encore moins pour les rouges.
Place à la dégustation des vins de Fanny et Lucien Rocault
On commence avec les blancs
Je commence la dégustation par leur “Bourgogne Aligoté Nature”. La vinification se fait en cuve inox pour préserver sa fraîcheur aromatique. Le nez est particulier. La bouche aussi : pas assez de fraîcheur ni de fruit à mon goût.
Je poursuis avec leur cuvée principale : Haute-Côte de Beaune Blanc 2018. Il s’agit de leur première parcelle, exposée Sud Est, à une altitude de 350 à 380 mètres ; faisant un des meilleurs terroirs de l’appellation. Le sol est constitué de marne blanche calcaire superficielle particulièrement propice au développement des arômes et des saveurs du Chardonnay. La fermentation alcoolique se fait uniquement avec les levures indigènes. La fermentation Malo-lactique s’enclenche généralement au printemps. L’élevage dure environ 12 mois ; 50% dans des tonneaux de 500L qui ont contenu entre 2 et 4 vins précédemment et 50% de cuve.
👃 Floral avec de subtiles notes de miel.
👄 Le vin est très friand. Pas d’une grande complexité mais la première bouteille appelle la deuxième. Peut se garder 5 à 6 ans sans problème.
🍽️ Aussi bien à l’apéritif qu’à table avec des poissons, des sushis ou encore avec le poulet du dimanche midi.
❤️ Rondeur et fruité.
Ensuite, on monte en gamme avec le Saint-Romain 2019. Il est issu du Chardonnay, planté sur une parcelle Sud Ouest, d’une altitude de 300 mètres, du lieu-dit « Sous Roches ».
Comme précédemment, le sol est constitué de marne blanche calcaire. La vigne est âgée d’une cinquantaine d’années et elle est labourée au cheval depuis 2014 afin de limiter les tassements de sol.
👃 Très joli nez.
👄 C‘est plus ample, très riche du fait du millésime solaire (certains millésimes sont davantage sur la minéralité, côté “pierre à fusil »).
🍽️ Poissons de rivières ou viandes blanches en sauces (ex: Poulet Gaston Gérard sauce crème vin blanc et comté).
❤️ Caractère et longueur.
On termine la dégustation de blancs avec le Saint Aubin Premier Cru “En Remilly” 2018. Cette parcelle appartient à la famille de Lucien depuis des siècles. Le vin est élevé dans des tonneaux 100% de bois neuf. Le vin est très aromatique, même si je trouve le Saint-Romain d’un meilleur rapport qualité-prix.
Place aux rouges maintenant
Tout d’abord, je déguste le Haute-Côte de Beaune rouge 2017.
Les vignes de Pinot Noir sont plantées sur une parcelle plein sud, appartenant à la famille Rocault depuis plusieurs générations, à une altitude de 350 à 380 mètres.
Le sol est constitué d’argile ferrugineuse calcaire superficiel particulièrement propice au développement des arômes et des saveurs du Pinot Noir.
L’élevage, en fûts de chêne, dure environ 1 an, afin de gagner en complexité.
👃 Légèrement fumé et épicé, avec des notes végétales.
👄 Une belle matière, de la fraîcheur, un vin à boire en mangeant. Ce vin s’épanouira davantage d’ici 1 à 2 ans.
🍽️ Aussi bien avec des plats assez faciles comme un poulet-frites ou des lasagnes, qu’avec des plats un peu plus travaillés comme un navarin d’agneau.
❤️ Fraîcheur et intensité.
La confidence de la Blonde 👱♀️ : j’ai eu la chance de goûter aussi le 2018, qui est superbe. Un nez explosif de fruits rouges. En bouche, c’est gourmand, ça « pinote ». Il est plus caractéristique d’un Haute-Côte de Beaune rouge que le millésime 2017. Malheureusement il en reste très peu (Lucien a voulu le vendre avant le millésime 2017 car il était prêt à boire plus tôt).
Pour terminer ce bon moment, je déguste deux vins de Pommard. Célèbre appellation de la côte de Beaune, les vins de Pommard sont reconnus pour être des vins puissants ayant un fort potentiel de garde (même si cela est à nuancer car la diversité des sols et expositions entraînent des caractéristiques différentes).
Le 1er, et celui qui attira mon attention : Pommard Les petits Noizons 2018. “Les Petits Noizons” fait parti des Climats de renom pour cette Appellation Village. Les vignes de Pinot noir font partie des plus vieilles du domaine (1913). La parcelle est située en haut des coteaux du village de Pommard. Elle est exposée sud-est et regarde les clochers de Pommard et Meursault. Le sol est argilo-calcaire, avec une forte teneur en fer (d’où sa couleur rouge terra cotta).
Le vin est élevé environ 15 mois en tonneau de 500 L.
👃 Flatteur, gourmand, sur le fruit, avec des notes florales (violette notamment).
👄 Malgré sa puissance, ses tanins sont délicats, il est ainsi très agréable à boire. Il peut donc se boire dès maintenant mais peut attendre sans problème encore quelques années (il se gardera 8-10 ans).
🍽️ Viandes (ex: tournedos « Rossini », rôtis sauce époisses) ou des œufs en meurette.
❤️ Puissance et gourmandise.
Le 2ème et dernier vin, le Pommard Premier Cru “les Charmots” 2018. La parcelle a la même exposition que celle des Petits Noizons mais elle se situe 50 mètres plus bas, en milieu de coteau. La terre est encore plus rouge car plus ferreuse. Le nez plus complexe ; on sent clairement l’influence du terroir. En bouche, le vin est un peu fermé. La fin de bouche est asséchante. Selon Lucien, “il a plein de choses à raconter mais il faut attendre au moins un an”.
Cette dégustation est très intéressante car la différence gustative entre les 2 cuvées est énorme alors que seulement quelques dizaines de mètres séparent les parcelles ! Une belle illustration sur la complexité des terroirs bourguignons.
Si vous êtes arrivé jusqu’ici, vous devez avoir le “vin à la bouche”.
L’idéal est évidemment d’aller déguster les vins au domaine (pensez bien à réserver à l’avance), vous serez très bien reçu, Lucien est un vigneron passionné et passionnant.
Si vous n’avez pas l’occasion d’aller leur rendre visite et que vous habitez sur Lille, vous pourrez venir déguster une partie de leur gamme en Septembre, et commander quelques flacons.
Articles similaires
Escapade en Ventoux, au domaine Saint-Jean-du-Barroux
L'AOC Ventoux est une des appellations les plus étendues du Rhône, à l'est d'Avignon, entre...
Escapade en Bourgogne, au domaine de la Verpaille
Viré-Clessé est la petite dernière des appellations communales du Mâconnais ; elle date de 99...
Escapade en Val de Loire, à Cheverny
Si j'appréciais déjà les vins de Loire, mes visites de Décembre 2019 à Montlouis-sur-Loire et...
0 commentaires